dimanche 6 mars 2011

TJ 1948-2010 David Goldblatt





Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris, jusqu'au 17 avril 2011, en partenariat avec RFI


"La photographie m'a aidé à résoudre ce dilemme : vivre dans ce pays ou émigrer".


D. Goldblatt, photographe sud-africain, né en 1930 dans la banlieue de Johannesburg reçoit en 2009 le prix de la Fondation Henri Cartier Bresson, pour son travail documentaire sur Johannesburg (TJ). Ce prix comprend l'édition d'un ouvrage et la tenue d'une exposition à la Fondation. Issu d'une famille de commerçants juifs lituaniens arrivés en Afrique du Sud à la fin du 19ème il entretien des rapports complexes avec son identité sud-africaine. D'origine européenne, mais subissant l'antisémitisme des afrikaners depuis son enfance, il portera un regard distancié sur la classe moyenne blanche. Il résistera cependant aux pressions et tentatives de récupération politiques visant à faire de lui le photographe d'une cause. Souhaitant garder son indépendance, selon lui, gage de la qualité d'un travail documentaire.

L'exposition composée de tirages d'époque réalisés par le photographe (nb et couleur à partir des années 1990) parcourt trois moments de l'histoire de l'Afrique du Sud, de la mise en place de l'apartheid en 1948, aux années 70, pour terminer dans l'époque présente, post-apartheid.

La première partie (60 tirages NB) évoque le moment de déchirure du pays, où la séparation des races prend chair dans la structure même de la ville. Commerces, habitations, ateliers sont détruits, les populations de couleur, noirs, indiens, sont déplacées dans les quartiers périphériques. Suite au "Group Areas Act" lois qui dès 1950 accentuent encore l'homogénéité raciale des quartiers de Johannesburg, chassant les noirs vers les townships, détruisant leurs habitations, commerces. Goldblatt photographie les intérieurs, lieux de vie, de travail, avant leur destruction, montrant ainsi la fin d'une vie sociale qui constituera un traumatisme pour beaucoup. L'éloignement du centre ville n'est pas simplement géographique, mais profondément symbolique, c'est le refus d'une participation à la vie de la cité, c'est être relégué au statut de main d'œuvre, chosifié. L'exclusion s'est inscrite dans la structure urbaine même : réseau de transports, d'électricité, la ville a été remodelée pour empêcher tout mélange des populations, les populations noires deviennent des pendulaires, passant parfois plus de 4 heures dans les transports pour rejoindre le centre ville et contraints à quitter la ville après le travail. Destructuration géographique qui réduit également toute possibilité de vie sociale ou familiale.

"L'un des pires effets de l'apartheid c'est qu'il a empêché d'appréhender le mode de vie de l'autre" D.G.

La seconde partie de l'exposition intitulée "Ex-offenders", présente les portraits d'anciens criminels, photographiés à leur sortie de prison sur les lieux de leur délit (vol, agression, meurtre, cambriolage etc.). Cette dernière étape relate la période actuelle, qui, bien que l'apartheid ayant été aboli, est encore empreinte de violence et d'inégalités criantes, qui sont comme les vestiges de l'histoire du pays, ancrés dans le fossé économique qui sépare encore les communautés.

"Ayant été victime de cambriolages, de voleurs et d'agresseurs en tout genre, je me suis demandé qui étaient ces gens. Sont-ils des monstres ? Des gens ordinaires ? Pourraient-ils être mes enfants ? Sont-ils comme vous et moi ? Je voulais aller au-delà des statistiques (..) " D. G.

Chacun de ces 20 portraits est accompagné du récit de vie. Récits qui commencent souvent bien avant le délit, dans des vies semées des misère, de violences. Parcours individuels mis en parallèle avec l'histoire du pays, par la confrontation avec une série de paysages urbains : lieux délabrés, quartiers en ruine, qui resituent l'individu dans un contexte social plus large qui le dépasse.

"J'ai pris leur portrait et écouté leurs histoires: La plupart tente de revenir dans le droit chemin, malgré des conditions de vie désespérantes. C'est pourquoi je ne les appelle ni criminels ni délinquants, mais anciens délinquants." D.G.

On regrettera que n'apparaissent que très peu dans l'exposition les travaux consacrés aux changements post-apartheid, notamment la réappropriation du centre ville par les classes populaires, ainsi que les travaux de Golblatt sur les entrepreneurs noirs, travaux qui montrent une autre image du pays, à travers les signes de l'appropriation de nouvelles libertés.

Depuis 1989, David Goldblatt anime des ateliers de photographie destinés aux jeunes défavorisés (Market Photo Workshop).


Bilbio /liens :


Film : Tamara Garb, From black and white full color : A curator's Journey:

http://www.michaelstevenson.com/contemporary/exhibitions/goldblatt/hasselblad/index.htm

http://www.umuzi-randomhouse.co.za/afrikaners.html

http://www.goodman-gallery.com/artists/davidgoldblatt

Catalogue de l'expo : David Goldblatt, TJ 1948-2010, Contrasto, 2011

David Goldblatt, Paris, Phaidon 55, 2001




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philosophe, spécialisée dans l'éthique de la communication et de l'information.